Les vieilles nations croient tout savoir. Les jeunes nations ont appris des anciennes… puis nous ont dépassés. À nous, maintenant, d’apprendre d’elles. Pour nous réinventer. Le reverse reengineering commence ici.
Singapour : un village de pêcheurs qui est devenu, en soixante ans, l’une des nations les plus riches du monde.
La Corée du Sud : un pays qui, dans les années 60, était plus pauvre que le Kenya, et qui est aujourd’hui la 11ᵉéconomie mondiale, leader des semi-conducteurs, des batteries et des smartphones.
Voici dix vérités que la France ne peut plus ignorer.
Un tableau vaut mieux que 1000 mots.
La France est 8ᵉ mondiale en PIB par habitant. La France figure parmi les grandes nations riches, forte de revenus par habitant élevés et d’une position enviable.
La même année :
Singapour est autour de la 25ᵉ place. Un port-entrepôt, sans ressources naturelles, coincé entre géants, qui accélère son développement
La Corée du Sud est 70ᵉ. Ravagée par la guerre, un pays encore très pauvre.
Corrigé des taux de change (PIB par habitant en Parité de Pouvoir d’Achat), la France a glissé à la 25ᵉ. Singapour est entre 2ᵉ et 3ᵉ. La Corée du Sud est 29ᵉ et nous rattrape.
Singapour a multiplié sa richesse par habitant par 13.
La Corée du Sud par 16.
La France par 4 seulement.
La dynamique a changé. C’est la mesure de l’ascension spectaculaire des « jeunes nations ». Et la démonstration de notre difficulté à nous réinventer. Nous sommes passés d’un pays du top-10 à un pays parmi les 25 premiers.
57 % du PIB en dépenses publiques → 46 000 $ de PIB par habitant.
20 % du PIB → 93 000 $ par habitant.
35 % du PIB → 37 000 $ par habitant … et elle nous rattrape à toute allure.
Au-delà d’un seuil, plus la dépense publique augmente – même pour de bonnes raisons – plus elle pèse sur la croissance et sur la création de richesses par habitant.
Ce n’est pas une question d’idéologie.
C’est une question d’efficacité économique.
Et c’est la situation de la France en 2025.
La « machine administrative », c’est le coût pur du fonctionnement bureaucratique : hors missions opérationnelles, hors social, hors dette.
225 Md€ ÷ 68,6 millions = 3 280 € par habitant et par an.
Singapour
4 Md€ ÷ 6,1 millions = 655 €
50 Md€ ÷ 51,7 millions = 967 €
L’écart est abyssal.
C’est le prix de notre histoire et de notre bureaucratie.
Et de notre absence de réforme structurelle de l’État et des collectivités locales depuis des décennies : un millefeuille kafkaïen, des doublons massifs (1 130 opérateurs, 35 000 communes), des processus figés et une numérisation à deux vitesses.
Résultat : nous payons 5 fois plus que Singapour, 3,4 fois plus que la Corée du Sud… pour des services souvent moins fluides et moins appréciés.
Les 50 Md€ d’économies sont là, sous nos yeux.
Il suffit de vouloir les saisir.
L’industrie manufacturière pèse 10 % du PIB en France, contre 16 % en 1980. Nous avons laissé filer des usines, des compétences, des filières entières.
En Corée du Sud, l’industrie représente 25 % du PIB. Samsung, Hyundai, SK, LG dominent les batteries, les écrans, les chantiers navals, les semi-conducteurs.
À Singapour, c’est 18 % du PIB : un hub mondial de la pharmacie, du raffinage et des data centers high-tech.
En France, nous avons fait un choix : la consommation plutôt que la production, l’endettement plutôt que l’investissement, la grande distribution plutôt que les usines, et – avec l’Europe – une « concurrence libre et faussée », face au dumping social et écologique chinois et au protectorat numérique américain.
Un renversement est encore possible. Mais Il faut aller vite, faire preuve de pragmatisme, nous protéger – en France comme en Europe.
« Si le Vieux Continent ne se ferme pas temporairement pour se réarmer industriellement, il sera victime d'un modèle de domination extractive (…) Plus que jamais, nous devons nous réveiller, cesser de nous quereller, et protéger nos industries le temps de rattraper nos retards » -- Nicolas Dufourcq, DG de Bpifrance, les Échos, le 6 novembre 2025.
Singapour et la Corée du Sud ont misé l’essentiel de leur développement sur une arme : l’éducation et la formation continue.
Chaque citoyen reçoit dès 25 ans un SkillsFuture Credit (jusqu’à 500 SGD ~350 € en base, jusqu’à jusqu’à 4000 SGD selon l’âge, rechargé régulièrement) à investir toute sa vie dans l’IA, la cybersécurité, la biotech, la robotique, les green tech. C’est un compte d’investissement en compétences, pas un budget bureaucratique.
Le modèle est hybride : 2 ans de culture générale, 2 ans de spécialisation pointue ; des filières ultra-ciblées (batteries, semi-conducteurs, K-content) codécidées avec l’État et les entreprises (Samsung, Hyundai,SK…) ; et 71 % des 25-34 ans diplômés du supérieur (record mondial).
Le CPF (Compte Personnel de Formation) est un « succès »… mais plus de 120 000 jeunes sortent chaque année sans qualification, et une grande partie des diplômes deviennent obsolètes face à l’IA.
Nous finançons encore des formations pour les métiers d’hier, tandis que le monde se prépare déjà à 2035.
95 % des services publics en ligne. Un seul identifiant : SingPass → zéro papier.
Résultat : coûts administratifs ↓ 20-30 %. Satisfaction citoyenne : 92 % (objectif dépassé).
Plus de 90 % des services digitalisés via Government24.
Once-only principle : une donnée saisie une fois, partagée entre les toutes les administrations. IA prédictive, automatisation proactive des droits
Résultat : coûts administratifs ↓ 15-25 %. Satisfaction citoyenne : 94 % (meilleur score OCDE).
Nous avons FranceConnect. La France sait efficacement calculer et prélever l’impôt en un clic. Mais les Français continuent à remplir des formulaires multiples, de fournir plusieurs fois les mêmes données, et de naviguer dans des systèmes qui ne se parlent pas – au travers d’un véritable labyrinthe de processus.
Nous numérisons la bureaucratie. Eux l’ont supprimée.
À Singapour, l’État a fait un choix fort : aucune zone grise entre la loi et sa sanction.
Pour la récidive violente ou le trafic organisé, les peines sont très lourdes et exécutées à 100 %.
Pour les délits de rue, la réponse est immédiate, systématique, proportionnée mais certaine.
Pour le trafic de drogue, la sanction peut aller jusqu’à la peine de mort pour des cas très graves.
Résultat : 0,2 homicide pour 100 000 habitants (France : 1,3) ; indice de sécurité perçue n°1 mondial depuis 15 ans ; Sentiment d’impunité quasi nul.
La Corée du Sud atteint presque le même résultat (0,6 homicide) : caméras omniprésentes, police ultra-réactive, peines plancher pour récidive et une pression sociale extrêmement forte contre la délinquance.
En France, nous avons dépensé des milliards supplémentaires pour la sécurité. Mais nous n’avons jamais adopté la tolérance zéro : les récidivistes, les trafiquants et les violents savent que la sanction n’est pas certaine, parfois rare, souvent tardive ou partielle.
Singapour n’avait rien.
Lee Kuan Yew décida : « Nous serons le hub logistique, financier et technologique le plus fiable d’Asie. » .
Il aligna tout : fiscalité attractive, corruption zéro, infrastructures parfaites, achats publics massifs, formation ciblée, puis concurrence totale.
Résultat : 4 000 multinationales, une part majeure du raffinage mondial, des capacités portuaires géantes, et certains des plus gros fonds souverains de la planète.
La Corée du Sud n’avait ni la taille, ni le capital.
Park Chung-hee décida : « Nous dominerons l’acier, les chantiers navals, l’électronique… puis les batteries et les semi-conducteurs. »
Modèle « berceau puis arène » : protection totale des bébés-industries (1960-1980) –crédits dirigés, barrières, commandes publiques – puis ouverture à la concurrence mondiale.
Résultat : Samsung, Hyundai, LG, SK trustent 50 % des batteries lithium-ion et 20 % des semi-conducteurs mondiaux.
Dans les deux cas, l’État n’a jamais demandé : « Est-ce libéral ou interventionniste ? »
Il a demandé : « De quoi nos entreprises ont-elles besoin pour dominer le monde ? »
Et il a fourni exactement cela, au bon moment.
Nos champions – Airbus, le nucléaire, Dassault, LVMH – sont nés de la même volonté farouche de remarquables dirigeants publics et privés travaillant ensemble, alignant tous les leviers et tenant le cap pendant trente ans.
Depuis vingt ans, cette volonté a disparu.
On se perd dans le débat stérile « trop d’État » ou « pas assez d’État » ? chaque alternance remet tout à zéro, plans annulés, crédits coupés, stratégies sabordées.
Résultat : plus de nouveaux champions, juste des survivants.
Singapour et la Corée du Sud, eux, ne perdent jamais de temps à discuter de la légitimité de l’État stratège.
Ils décident. Ils alignent. Ils tiennent le cap.
Et ils gagnent.
Les 0,1 % des meilleurs élèves du pays sont repérés dès 18 ans, formés comme des athlètes olympiques, puis placés au cœur du pouvoir ou des entreprises stratégiques.
Les salaires des ministres et hauts responsables publics sont alignés sur les standards du secteur privé local, afin d’attirer les meilleurs profils et garantir une administration d’excellence.
En contrepartie, un échec grave = sortie immédiate, sans parachute.
Résultat : les meilleurs cerveaux du pays se battent pour servir l’État, pas pour partir à Londres ou en Silicon Valley.
Concours d’entrée dans la haute fonction publique : 1 % de réussite.
Pour un diplômé de SNU ou KAIST, intégrer Samsung, Hyundai… ou la fonction publique sud-coréenne est un choix prestigieux, avec un niveau de rémunération et de reconnaissance très attractif.
Culture ppalli ppalli (vite, vite) + évaluations annuelles exigeantes + promotions au mérite.
Résultat : les talents restent, et font de la Corée, le n°1 mondial des batteries et l’un des leaders des semi-conducteurs.
La France forme des ingénieurs et chercheurs de niveau mondial — Polytechnique, ENS, Centrale, Sciences Po — mais leurs rémunérations restent très inférieures à celles offertes à Londres ou Singapour, parfois du simple au double pour des profils équivalents.
Dans le public, les talents sont souvent enfermés dans une hiérarchie trop lourde, avec des carrières qui progressent davantage à l’ancienneté qu’au mérite.
Conséquence :
- nos start-up les plus prometteuses partent trop souvent à l’étranger, faute de financements et de conditions d’échelle comparables,
- nos jeunes hauts potentiels du public se découragent ou quittent l’administration.
Le reverse reengineering, c’est arrêter de gaspiller nos propres pépites : payer les meilleurs à la hauteur de leur contribution, leur confier des responsabilités, et remettre du mouvement là où les inerties freinent — dans le public comme dans le privé.
La France n’a pas besoin d’importer des talents : elle doit simplement cesser de pousser les siens vers la sortie.
800 Md€ de dépenses État + collectivités chaque année.
Dont 225 Md€ – un euro sur trois – simplement pour faire tourner la machine administrative.
50 Md€ d’économies réalistes d’ici 2030 (du vrai cash, pas des promesses) : 25 Md€ en supprimant les doublons dans les milliers d’agences, strates et guichets qui se chevauchent ; 25 Md€ en réécrivant enfin les processus de A à Z avec l’IA, avec des plateformes unifiées et des méthodes qu’on enseigne partout… sauf chez nous.
Tout est déjà là : les outils existent ; le gisement des 225 Md€ est sous nos yeux ; les modèles gagnants (Singapour et Corée du Sud) sont documentés, testés, prouvés.
Il ne manque plus qu’une seule chose : le courage politique de dire « assez » et de lancer le Grand Reverse Reengineering français.
Copier ce qui marche ailleurs n’est pas une honte.
C’est ce que font tous les pays qui refusent de disparaître.
Quand la France veut, elle peut : Notre-Dame reconstruite en cinq ans ; les JO 2024 réussis contre tous les pronostics ; dans les deux cas, aidée par des lois spéciales permettant de déroger aux codes …et à la bureaucratie !
Alors oui, on peut engager la reconstruction de l’État en 5 ans.
Qui va oser lancer le Grand Reverse Reengineering français ? 2027, c’est maintenant.
#ReverseReengineering #France2027 #Singapour #CoréeDuSud