Réinventer l’Europe.

Mario Draghi et la compétitivité européenne : plus d’investissement et moins de bureaucratie.

Garder l'espoir
3 min ⋅ 16/09/2024

La Chine assume le choix de la prospérité sans la liberté. Les États-Unis, celui d’une prospérité sans la solidarité.  

L’Europe – et singulièrement la France malgré son impasse gouvernementale actuelle – a une opportunité historique de concilier la liberté et la solidarité. A condition de redevenir compétitive. 

Les bénéfices de la compétitivité sont connus : sortir la classe moyenne de la paupérisation induite par une consommation à crédit et une globalisation subie ; financer le modèle social ; maitriser le numérique et l’IA ; décarboner l’économie ; sécuriser l’’approvisionnement énergétique ; assurer sa propre défense.

C’est le grand mérite du rapport de Mario Draghi sur la compétitivité de l’Europe publié la semaine dernière que de revenir aux fondamentaux de celle-ci : l’innovation et l’investissement. Et de nommer les dysfonctionnements des Institutions européennes, frein à son développement.  

👉Rappeler le risque de décrochage. Le rapport insiste sur plusieurs faits marquants : Le revenu disponible réel par habitant a augmenté presque deux fois plus aux États-Unis qu'en Europe depuis 2000 ; les gains de productivité en Europe sont faibles et bien inférieurs à ceux enregistrés par les États-Unis ; dans les 50 premières entreprises technologiques mondiales, seulement 4 sont européennes. 

👉Inciter à innover et investir massivement. Le rapport chiffre entre 750 à 800 milliards d’euros supplémentaires par an, soit 5% du PIB l’effort d’investissement dans des innovations de rupture, l’industrie, l’énergie, la défense…; il recommande d’accélérer la consolidation des marchés de capitaux ; il préconise de nouveaux instruments de dette communs. 

👉Revoir la gouvernance de l’Europe. Le rapport donne plusieurs pistes :  recentrer l’Union sur ses missions fondamentales ; rendre plus souple les règles de concurrence pour favoriser la consolidation et l’émergence d’acteurs européens ; simplifier les réglementations ; revoir les règles de prises de décision d’une UE élargie avec la généralisation du vote à la majorité qualifiée.  

Car l’un des grands défis de l’Europe -- peut-être le plus grand – est de faire évoluer son modèle et ses institutions pour combiner la diversité de ses nations avec la puissance de la mise en commun de ses ressources. En rendant ses institutions moins technocratiques et plus légitimes, en contenant l’extension sans limite du droit européen et des règlementations qui dépossèdent les politiques nationales et font monter les populismes.

Car la technocratie couplée à l’idéologie est, tout autant que le manque investissement, un obstacle majeur à la compétitivité de l’industrie européenne. 

On a vécu la débâcle énergétique de l’Europe : rejet idéologique du nucléaire ; promotion exclusive des énergies renouvelables sans solution industrielle de stockage ; ouverture du marché et création artificielle d’acteurs financiers spéculatifs sans aucune valeur ajoutée économique ;  déconstruction d’acteur intégré et performant de service public comme EDF ; réouverture de centrales au charbon ; augmentation des émissions…

On peut craindre celle de l’industrie automobile. Les ventes de voitures électriques ralentissent en Europe, les consommateurs préférant des voitures hybrides meilleur marché, ce que de nombreux dirigeants avaient anticipés contre l’avis de l’UE.   Les constructeurs européens luttent pour leur survie dans une compétition sans merci avec la Chine et les États-Unis. Dans ce contexte, l’UE les menace de 15 milliards d’euros d’amendes s’ils ne respectent pas les règles sur les émissions et un calendrier irréaliste (défini par la même UE) de passage à l’électrique. C’est bien connu : rien de mieux que le “cash out” d’une amende pour améliorer la profitabilité d’une entreprise !

Mais comme dans toute négociation, c’est donnant-donnant : pas d’investissement supplémentaire et nouvel emprunt sans simplification des réglementations et recentrage des missions. 

Photo de Nick Fewings sur Unsplash

Garder l'espoir

Par Michel Gesquière

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