La polarisation, un défi et un reflet

Les marchés de consommation sont de plus en plus polarisés entre la recherche du meilleur rapport qualité prix et la demande pour des offres premium et des expériences uniques. Les entreprises « in between » sont exposées à une érosion de leur marché. C’est un défi pour les entreprises. Et le reflet de notre société actuelle.

Garder l'espoir
3 min ⋅ 30/04/2025

1. Illustration

Dans l'alimentaire, le groupement Leclerc avec son image prix et les  « hard discounters » comme Lidl, Aldi, Action progressent. Les marques bio, locales captent une clientèle premium. Les formats entre les deux sont en difficulté : les supermarchés Casino pénalisés par des prix trop élevés ont été repris en grande partie par le groupement Intermarché.

Dans l’habillement, Zara, H&M et plus récemment Shein dominent l’entrée de gamme très bon marché. A l’opposé, une marque de créateur née en ligne comme Sézane connait un grand succès avec un positionnement premium combinant chic et durabilité. Entre les deux, le milieu de gamme souffre : Camaïeu a été liquidée en 2022 et relancé par le groupe Celio sous le nom « Be Camaïeu » avec un très petit nombre de magasins ; Pimkie a été mis en redressement judiciaire en 2023 et fait l’objet d’un plan de relance à la recherche d’un nouveau positionnement. 

Dans l’automobile, Dacia affiche une croissance solide portée par un très bon rapport qualité prix. Les SUV Lifestyle et premium (Tesla, les Allemandes comme Audi, BMW, Mercedes…) continuent à rencontrer un grand succès. Entre les deux, les constructeurs généralistes subissent une érosion de leur part de marché. 

Dans l'hôtellerie, B&B Hôtels rencontre le succès avec une offre économique bien positionnée. Les Hôtels de charme et les concepts Lifestyle comme Mama Shelter se développent. Entre les deux, les chaînes avec une offre moyenne et indifférenciée perdent en attractivité, conduisant certaines à un disparition progressive comme les Hôtels Climat de France.

2. Cause profonde

L’origine de ce phénomène est principalement à rechercher dans l’essor d’un libre échange mondial sans règles communes

Les belles entreprises mondialisées du CAC 40 sont les enfants de la globalisation. Tout comme l’essor spectaculaire de la grande distribution en France, se sourcant dans le monde entier pour lutter contre l’inflation.

Mais tout progrès a son revers. 

Le grand économiste Ricardo avait raison sur les vertus du libre libre-échange et de la spécialisation dans le commerce international. 

Il posait comme hypothèse que la concurrence, sans être pure et parfaite, s’établisse sur des règles équitables.

Ce qui n’a jamais été le cas au cours des 30 dernières années malgré l’existence de l’OMC. 

En l’absence de règles du jeu communes socialement et écologiquement, la globalisation a fabriqué une désindustrialisation massive, une désertification des territoires et un appauvrissement des classes moyennes. 

Accentué en France, pour être honnête,  par le surcoût sur les charges des entreprises d’un modèle social français, le plus développé du monde occidental.

C’est ainsi que polarisation est devenue le reflet des gagnants et des perdants de la globalisation et la conséquence d’un libre échange dérégulé

3. Implications stratégiques

Avec la révolution numérique et la transition écologique, ce phénomène constitue l’un des trois grandes forces qui font muter les marchés et migrer la valeur économique.

Les implications pour les entreprises sont importantes.

Singulièrement pour les PME françaises historiques, ancrées dans une tradition, un héritage, un territoire. 

Première règle. Le milieu de gamme doit être évité. C’est , le plus souvent, une zone à risque sans perspective de croissance profitable à 3/5 ans.

Quand c’est possible, il faut rechercher soit un rapport qualité prix, soit un positionnement plus haut de gamme.

Facile à dire. Plus difficile à faire. 

Quand ce n’est pas possible, une première option est d’innover en resegmentant son marché pour créer une nouvelle activité en croissance et différenciante. C’est ce que Nespresso a brillamment réussi avec l’invention de ses capsules sur un marché du café mature et à faible croissance.

Une seconde option est de se diversifier dans des marchés adjacents en valorisant ses savoir-faire. Opinel était originalement une marque associée à un produit unique, le couteau pliant savoyard pour paysans. C’est aujourd’hui une PME présente à l’international et dans des secteurs variés comme la cuisine, le jardinage, les activités de plein air. 

La France est à l’arrêt. Le monde est en mouvement. Et la société de plus en plus polarisée.

Les PME sont exposées. Mais nombreuses sont celles qui montrent le chemin, celui de la réinvention par l’innovation, la différenciation et la diversification.

Un enjeu passionnant pour des dirigeants et des équipes héroïques. 

Photo de Dietmar Becker sur Unsplash

Garder l'espoir

Par Michel Gesquière

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