L’Âge de la globalisation « heureuse » se termine. Un cycle de 30 ans, ouvert après la chute du mur de Berlin en 1989, se referme. Bienvenue dans la déglobalisation.
Pandémie de la Covid-19, Brexit, guerre de la Russie en Ukraine, XXe congrès du Parti communiste chinois et virage autoritaire de la Chine, rapprochement entre la Chine et la Russie, tension sino-américaine sont autant d’évènements à l’origine de ce basculement.
Les premières conséquences sont déjà visibles :ralentissement des échanges commerciaux ; augmentation des droits de douane ; retour des nationalismes économiques et des mesures protectionnistes à l’image de l’Inflation Reduction Act (IRA) aux États-Unis ; mouvement de relocalisation des productions…
Pour les entreprises, ce changement d’époque transforme certaines des forces d’hier en faiblesses pour demain.
👉La délocalisation et les chaînes globales de sous-traitance.
La force d’hier : Les coûts bas et la flexibilité.
Les entreprises ont tiré profit de la globalisation et de l’essor du numérique pour délocaliser une partie de leur production dans les pays à faible coût de main-d'œuvre. Elles ont pu concilier coûts bas et grande flexibilité. Elles ont, pour la plupart, renoncé à des modèles d’intégration verticale qui permettait de contrôler la totalité de la chaine de valeur.
La faiblesse pour demain : La fragilité et la dépendance.
Dans la déglobalisation, les chaines d’approvisionnement internationales deviennent fragiles. La sous-traitance et la délocalisation engendrent des dépendances critiques. Les exemples sont nombreux : pénuries de médicaments, d’équipements médicaux pendant la pandémie de Covid-19 ; dépendance de l’Allemagne et de l’Europe aux gaz russes ; dépendance de l’occident aux microprocesseurs taiwanais. Avec sélectivité, un mouvement de relocalisation et de réintégration verticale partielles devrait se développer.
👉L’accès aux ressources naturelles.
La force d’hier : la rentabilité.
Les matières premières, comme les terres rares, sont clés dans des secteurs stratégiques comme les technologies vertes (stockage de l’énergie, énergie renouvelables), les semi-conducteurs. La globalisation a permis l'accès à ces ressources.
La faiblesse pour demain : La dépendance stratégique.
La déglobalisation rend l’accès à ces ressources plus incertain.Elle créeune dépendance critiquenotamment vis-à-vis de ceux qui les possèdent, comme la Chine.
Pour faire face à ce risque, les entreprises vont devoir investir et trouver les moyens de sécuriser leur approvisionnement critique.Une entreprise comme Tesla investit dans l'extraction et le raffinage de lithium pour sécuriser son approvisionnement en batteries électriques.
👉Le zéro stock et les flux tendus.
La force d’hier : La rentabilité.
Dans la globalisation, la mode était aux flux tendus (« just in time ») et au zéro stock avec pour bénéfice un « allègement » des bilans financiers et un accroissement de la rentabilité.
La faiblesse pour demain : Le coût de la rupture de stock.
Dans la déglobalisation, les flux trop tendus sont devenus un risque de rupture de stock, de perte de chiffre d’affaires et de réputation. Un mouvement de reconstitution partielle des stocks s’opère pour se protéger contre ses ruptures.
👉Le potentiel des marchés globaux, notamment Chine et Asie.
La force d’hier : Une croissance additionnelle.
La globalisation a permis aux entreprises ouvertes sur l’international d’accéder à des marchés en croissance, notamment dans les pays émergents, en Asie et en Chine. Les accords de libre-échange ont favorisé la croissance. L’essentiel de la création de valeur des entreprises mondialisées du CAC 40 au cours des 15 dernières années est lié à la croissance en Asie et la baisse des taux d’intérêts.
La faiblesse pour demain : L’exposition à des retournements de marché.
La démondialisation va limiter l’accès aux marchés étrangers. Par exemple, la réduction actuelle des importations chinoises va nécessiter des redéploiements sur d’autres marchés comme celui de l’Europe.
Que faut-il en déduire ?
La déglobalisation vient s’ajouter aux trois « D » du nouveau paysage concurrentiel des entreprises : la Décarbonation, la Disruption par l’IA, et le numérique, la gestion des Dettes.
Un travail passionnant mais exigeant d’actualisation de la stratégie s’ouvre pour les dirigeants d’entreprise et leurs équipes. Une mise à jour du SWOT (Strengths, Weaknesses, Opportunities, and Threats), le célèbre et pédagogique modèle d’analyse stratégique.
Un impératif pour éviter que la géopolitique transforme les forces d’hier en faiblesses pour le futur.
Une chance pour transformer de nouvelles menaces en opportunités.
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